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Bande son : The Passenger, Iggy Pop

Mai 2013. Harlem.
Bill. Je le croise parfois le matin. On descend à toute allure vers la 42e rue. Dans la même rame de métro secouante. Petite quarantaine, le type.

Chemise blanche, un peu élimée au col et aux manches. Cravate grenat, petit pois.

Tous les jours, c’est sa tenue, c’est comme ça.

Ses cheveux tombent sur son front dans une frange rebelle.

Peigne fin à la main, dans sa minuscule salle de bain, sous la lumière verdâtre du néon, il essaye pourtant de les discipliner devant le miroir. Mais non.

Rien n’y fait. Ils retombent. Bon.
Ses mains sont posées bien à plat sur ses cuisses et ses yeux clignent beaucoup. Les soubresauts du wagon le font se pencher légèrement vers son voisin, un petit homme trapu, qui somnole les bras croisés sur la poitrine. Le contact avec ce bras poilu d’inconnu l’indispose. Il réajuste sa position après chaque secousse et lève furtivement les yeux vers le nom des stations.

(Stand clear of the closing doors please...)


À ses pieds, coincé entre ses chevilles—pantalon velours trop court sur chaussettes beiges, semelles de caoutchouc—il y a cet attaché case qu’on dirait vide.

(Christopher Station.)


Il fait de petits pas rapides sur le trottoir bondé pour atteindre le FedEx Office à l’angle de la 10e rue.

C’est là qu’il bosse le matin. L’après-midi, il répond au téléphone dans une boîte de location de véhicules utilitaires, près de Washington Square Park.
Il se sent fatigué, hier il a regardé un live de Barbra Streisand sur YouTube jusque très tard. Il s’est endormi, ordi sur le ventre, dans les dernières notes de Didn’t We. Sa mère adorait cette chanson. Lui aussi, du coup.
En montant les marches de l’agence, il se dit qu’il rendrait volontiers visite à son frère à Morristown pour Memorial Day.
Ils iraient pique-niquer avec les gosses.

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